La pergola, cet élément architectural qui embellit nos espaces extérieurs, soulève des questions juridiques souvent méconnues des propriétaires. Entre embellissement du cadre de vie et risques potentiels, l’installation d’une pergola engage la responsabilité civile du propriétaire. Les tribunaux français traitent régulièrement des litiges concernant des accidents liés à ces structures, qu’il s’agisse d’effondrements, de chutes de matériaux ou de problèmes d’entretien. Face à la multiplication de ces aménagements extérieurs, maîtriser le cadre légal devient primordial pour tout propriétaire souhaitant profiter sereinement de son installation tout en prévenant les risques juridiques inhérents.
Cadre juridique applicable aux pergolas : entre droit de la construction et responsabilité civile
Les pergolas se situent à l’intersection de plusieurs régimes juridiques qui déterminent la responsabilité du propriétaire. La compréhension de ce cadre constitue un préalable indispensable pour analyser les situations d’accidents.
Le Code civil pose les fondements de la responsabilité du propriétaire à travers plusieurs articles fondamentaux. L’article 1240 (ancien article 1382) établit le principe général selon lequel « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cette disposition s’applique pleinement aux dommages causés par une pergola mal conçue, mal entretenue ou présentant des défauts.
Plus spécifiquement, l’article 1242 (ancien article 1384) du Code civil instaure une responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde. Le propriétaire d’une pergola en est le gardien et peut donc être tenu responsable des dommages qu’elle occasionne, même en l’absence de faute prouvée. Cette responsabilité de plein droit ne peut être écartée que par la preuve d’une cause étrangère, comme la force majeure ou la faute de la victime.
Au-delà de la responsabilité civile générale, la réglementation de l’urbanisme encadre l’installation des pergolas. Selon leur taille et leurs caractéristiques, ces structures peuvent être soumises à déclaration préalable de travaux, voire à permis de construire. L’article R.421-9 du Code de l’urbanisme précise que les constructions qui créent une emprise au sol ou une surface de plancher comprise entre 5 et 20 m² nécessitent une déclaration préalable. Au-delà de 20 m², un permis de construire devient obligatoire.
Le non-respect de ces obligations administratives peut constituer une infraction pénale, mais surtout, il peut être considéré comme une faute en cas d’accident. Les juges tiennent compte du respect des règles d’urbanisme pour évaluer le comportement du propriétaire. Une pergola construite sans autorisation, lorsqu’elle était nécessaire, place d’emblée le propriétaire dans une position délicate face à une action en responsabilité.
Par ailleurs, les règles techniques de construction s’appliquent également. La norme NF DTU 43.1 concernant les travaux d’étanchéité des toitures-terrasses et les DTU 31.1 et 31.2 pour les ouvrages en bois peuvent être invoquées pour les pergolas. Le respect de ces normes techniques constitue une obligation pour les constructeurs professionnels, mais leur non-respect par un particulier peut être considéré comme une négligence fautive.
Les règlements de copropriété et les plans locaux d’urbanisme (PLU) peuvent contenir des dispositions spécifiques concernant l’installation de pergolas. Le non-respect de ces règles locales peut constituer une faute civile engageant la responsabilité du propriétaire en cas d’accident.
Qualification juridique de la pergola
La qualification juridique de la pergola influence directement le régime de responsabilité applicable. Selon ses caractéristiques, une pergola peut être considérée comme :
- Un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, soumis à la garantie décennale si elle est fixée au sol par des fondations
- Un élément d’équipement dissociable, relevant de la garantie biennale
- Une simple installation mobilière si elle est démontable sans dommage pour le support
Cette qualification détermine notamment les délais de prescription et les régimes de présomption applicables en cas de sinistre. La jurisprudence a ainsi considéré qu’une pergola solidement ancrée au sol constitue un ouvrage immobilier soumis à la responsabilité décennale des constructeurs (Cass. 3e civ., 12 juillet 2018, n°17-17.857).
Les différents types d’accidents liés aux pergolas et leurs implications juridiques
Les accidents impliquant des pergolas peuvent prendre diverses formes, chacune engageant différemment la responsabilité du propriétaire. Une analyse détaillée de ces situations permet de mieux comprendre les risques encourus.
L’effondrement total ou partiel de la pergola constitue l’accident le plus grave et le plus spectaculaire. Il peut survenir en raison de défauts de conception, de matériaux inadaptés ou de conditions météorologiques exceptionnelles. Juridiquement, l’effondrement active la présomption de responsabilité du gardien de la chose. Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Bordeaux le 15 mars 2016 (n°14/02456), le propriétaire d’une pergola qui s’était effondrée sous le poids de la neige a été condamné à indemniser les victimes, le juge considérant que la structure présentait un vice interne que son gardien aurait dû identifier.
Les chutes d’éléments de la pergola (lames, poutres, fixations) représentent un autre risque majeur. Ce type d’accident engage généralement la responsabilité du propriétaire sur le fondement de l’article 1242 du Code civil, car il est présumé gardien de ces éléments. La Cour de cassation a confirmé cette approche dans un arrêt du 9 juin 2010 (n°09-14.177) concernant la chute d’une poutre mal fixée qui avait blessé un invité.
Les accidents liés aux défauts d’étanchéité ou aux infiltrations d’eau peuvent causer des glissades ou favoriser le développement de moisissures dangereuses pour la santé. Dans ce cas, la responsabilité du propriétaire peut être engagée sur le fondement de l’obligation de sécurité qui pèse sur lui à l’égard des personnes qu’il reçoit. Le Tribunal de grande instance de Lyon (jugement du 12 septembre 2017) a ainsi condamné un propriétaire dont l’invité avait chuté sur le sol rendu glissant par une infiltration d’eau provenant d’une pergola mal étanchéifiée.
Les accidents électriques constituent un risque particulier pour les pergolas équipées d’éclairages ou de systèmes motorisés. Le propriétaire doit s’assurer de la conformité des installations électriques aux normes de sécurité, notamment la norme NF C 15-100. La responsabilité peut être aggravée en cas de non-respect de ces normes techniques, comme l’a rappelé la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 7 novembre 2018 concernant un court-circuit ayant provoqué un incendie sous une pergola.
Distinction selon les victimes
Le statut de la victime influence considérablement l’étendue de la responsabilité du propriétaire :
- Envers les invités (visiteurs autorisés), le propriétaire est tenu à une obligation de moyens renforcée
- Face aux professionnels intervenant sur la pergola, la responsabilité peut être atténuée en raison de leurs compétences techniques
- Vis-à-vis des tiers (passants, voisins), la responsabilité du fait des choses s’applique pleinement
- Concernant les enfants, une vigilance accrue est exigée, même si l’enfant est entré sans autorisation sur la propriété
La jurisprudence montre une sévérité particulière lorsque les victimes sont des personnes vulnérables. Ainsi, dans un arrêt du 14 février 2019, la Cour d’appel de Montpellier a retenu la responsabilité d’un propriétaire après qu’un enfant se soit blessé en jouant sur une pergola instable, considérant que son caractère attractif pour les enfants aurait dû inciter à une vigilance particulière.
Fondements de la responsabilité civile du propriétaire de pergola
La responsabilité du propriétaire d’une pergola peut être engagée sur différents fondements juridiques, chacun obéissant à des régimes de preuve et des conditions d’exonération spécifiques.
La responsabilité du fait des choses (article 1242 alinéa 1er du Code civil) constitue le fondement le plus fréquemment invoqué. Elle repose sur la notion de garde, qui implique les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle sur la chose. Le propriétaire est présumé gardien de sa pergola, sauf s’il prouve avoir transféré la garde à un tiers. Cette responsabilité présente un caractère objectif : la victime doit seulement prouver que la chose a joué un rôle actif dans la survenance du dommage, sans avoir à démontrer une faute du gardien. Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 11 décembre 2014 (n°13-21.869), la responsabilité d’un propriétaire a été retenue après l’effondrement d’une pergola sur un véhicule stationné, sans que la victime n’ait eu à prouver une quelconque négligence.
La responsabilité pour faute (article 1240 du Code civil) peut être invoquée lorsqu’un comportement négligent ou imprudent du propriétaire a contribué à l’accident. Contrairement à la responsabilité du fait des choses, elle nécessite la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité. Le défaut d’entretien régulier, le non-respect des règles de construction ou l’absence de vérification périodique peuvent constituer des fautes. Le Tribunal judiciaire de Nantes, dans un jugement du 5 mars 2020, a ainsi condamné un propriétaire qui n’avait pas remplacé des fixations rouillées malgré des signes visibles de corrosion.
La responsabilité contractuelle peut être engagée lorsque l’accident implique une personne liée au propriétaire par un contrat, comme un locataire ou un prestataire de service. Dans ce cas, le manquement à une obligation contractuelle, explicite ou implicite, constitue le fondement de la responsabilité. Ainsi, un propriétaire qui loue sa maison avec pergola a une obligation de délivrer un bien exempt de vices dangereux. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné un bailleur après qu’une partie de la pergola se soit détachée et ait blessé le locataire, considérant qu’il avait manqué à son obligation de délivrer un logement en bon état d’usage (CA Aix, 17 septembre 2016).
Pour les pergolas récemment construites, la responsabilité des constructeurs peut être invoquée, notamment la garantie décennale pour les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Le propriétaire peut alors se retourner contre les professionnels ayant réalisé les travaux. Néanmoins, sa propre responsabilité envers les victimes demeure, avec un recours ultérieur contre les constructeurs. La Cour de cassation a précisé cette articulation dans un arrêt du 27 mars 2019 (n°18-10.790) concernant l’effondrement d’une pergola bioclimatique défectueuse.
Cas particulier des pergolas en copropriété
Dans le contexte spécifique de la copropriété, la responsabilité se complexifie :
- Si la pergola est installée sur une partie privative (terrasse, jardin privatif), la responsabilité incombe au copropriétaire
- Pour une pergola sur partie commune à usage privatif, la responsabilité peut être partagée entre le copropriétaire bénéficiaire et le syndicat
- Concernant une pergola commune (abri collectif), la responsabilité relève principalement du syndicat des copropriétaires
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 22 janvier 2018, a ainsi partagé la responsabilité entre un copropriétaire et le syndicat après l’effondrement d’une pergola installée sur une terrasse à jouissance privative mais fixée sur un mur porteur commun.
Prévention des risques et mesures de précaution juridiquement valorisables
La prévention constitue le meilleur moyen d’éviter tant les accidents que leurs conséquences juridiques. Plusieurs mesures permettent de réduire significativement les risques tout en constituant des éléments favorables en cas de contentieux.
Le respect des formalités administratives représente une première étape fondamentale. Selon la nature et les dimensions de la pergola, le propriétaire doit obtenir une déclaration préalable de travaux ou un permis de construire. Ces démarches garantissent la conformité du projet aux règles d’urbanisme locales et attestent de la bonne foi du propriétaire. En cas de litige, le juge appréciera favorablement cette démarche préventive. À l’inverse, l’absence d’autorisation constitue un élément à charge, comme l’a souligné la Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 9 mai 2017 où elle a retenu la négligence d’un propriétaire ayant installé une pergola sans autorisation qui s’est effondrée lors d’un orage.
Le recours à des professionnels qualifiés pour la conception et l’installation de la pergola permet de bénéficier de leur assurance décennale et de leur expertise technique. Le propriétaire doit vérifier les qualifications de l’entreprise, exiger un devis détaillé mentionnant les normes respectées et conserver tous les documents relatifs à l’installation (plans, notices, factures). Ces précautions permettent, en cas d’accident, de démontrer la diligence du propriétaire et, éventuellement, d’exercer un recours contre le professionnel défaillant. La jurisprudence reconnaît généralement l’effet exonératoire partiel du recours à un professionnel compétent (Cass. 3e civ., 6 juin 2018, n°17-15.124).
La maintenance régulière et documentée de la pergola constitue un élément déterminant pour écarter la responsabilité du propriétaire ou en limiter la portée. Un carnet d’entretien consignant les vérifications périodiques (état des fixations, solidité de la structure, étanchéité) et les interventions réalisées représente un élément de preuve précieux. Le Tribunal judiciaire de Toulouse, dans un jugement du 18 novembre 2019, a ainsi écarté la responsabilité d’un propriétaire qui avait pu produire les factures d’entretien annuel de sa pergola par un spécialiste, malgré l’accident survenu lors de conditions météorologiques exceptionnelles.
L’information des utilisateurs sur les conditions d’utilisation sécurisée de la pergola peut également contribuer à limiter la responsabilité du propriétaire. Pour les locations saisonnières ou les réceptions, il est judicieux de fournir des consignes écrites (charge maximale supportée, comportement en cas de vent fort, interdiction d’escalade). Ces précautions peuvent permettre d’invoquer le partage de responsabilité en cas d’usage inapproprié. La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 12 février 2020, a ainsi réduit l’indemnisation accordée à une victime qui avait suspendu un hamac à une pergola malgré les avertissements explicites du propriétaire.
L’importance de l’assurance adaptée
La souscription d’une assurance appropriée constitue un élément crucial de la gestion des risques :
- Vérifier que la responsabilité civile du contrat multirisque habitation couvre explicitement les structures extérieures
- Pour les pergolas de grande valeur, envisager une extension de garantie spécifique
- En cas de travaux importants, souscrire une assurance dommages-ouvrage
- Déclarer toute modification substantielle de la pergola à son assureur
Un propriétaire prévoyant conservera précieusement les échanges avec son assureur confirmant la couverture de sa pergola. Cette précaution s’est révélée déterminante dans une affaire jugée par le Tribunal judiciaire de Marseille le 7 octobre 2021, où l’assureur tentait de refuser sa garantie en invoquant un défaut de déclaration de la structure.
Stratégies juridiques face à un accident impliquant une pergola
Malgré toutes les précautions, un accident peut survenir. Dans cette situation, la réaction du propriétaire influencera considérablement l’issue d’un éventuel contentieux judiciaire.
Les premières actions post-accident revêtent une importance capitale. Le propriétaire doit prioritairement porter secours aux victimes et sécuriser les lieux pour éviter tout accident secondaire. Sur le plan juridique, il est recommandé de procéder à un constat amiable détaillé avec témoignages et photographies, sans reconnaissance de responsabilité. La déclaration rapide à l’assurance, idéalement dans les cinq jours, est indispensable. Une description précise et objective des circonstances doit être fournie. La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 14 janvier 2019, a souligné l’importance de cette réactivité en considérant qu’un propriétaire ayant tardé à déclarer l’effondrement de sa pergola avait compromis l’expertise et donc sa défense.
Face à une demande d’indemnisation, plusieurs stratégies défensives peuvent être mobilisées. L’invocation de la force majeure nécessite de démontrer le caractère imprévisible, irrésistible et extérieur de l’événement ayant causé l’accident. Les conditions météorologiques exceptionnelles peuvent parfois être qualifiées de force majeure, comme l’a reconnu la Cour de cassation dans un arrêt du 8 novembre 2017 (n°16-22.869) concernant une pergola arrachée par une tempête d’une violence sans précédent dans la région.
La faute de la victime constitue un autre moyen de défense permettant d’obtenir un partage de responsabilité, voire une exonération totale. Le comportement imprudent ou l’utilisation inappropriée de la pergola peuvent être caractérisés comme une faute. Ainsi, le Tribunal judiciaire de Nice, dans un jugement du 23 septembre 2020, a exonéré un propriétaire de toute responsabilité après qu’un invité se soit blessé en escaladant la structure de la pergola malgré les avertissements explicites.
Le fait d’un tiers peut également être invoqué lorsque l’accident résulte de l’intervention d’une personne extérieure. Cette défense est particulièrement pertinente lorsque des travaux récents ont été réalisés par un professionnel. Le propriétaire peut alors appeler en garantie l’entreprise responsable. La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 12 mars 2018, a ainsi admis le recours d’un propriétaire contre l’installateur d’une pergola qui s’était effondrée en raison d’un défaut de fixation.
La prescription des actions en responsabilité constitue un moyen de défense procédural. Le délai de droit commun est de cinq ans à compter de la manifestation du dommage ou de sa connaissance par la victime (article 2224 du Code civil). Pour les dommages corporels, ce délai est porté à dix ans. En matière de construction, la garantie décennale s’applique pendant dix ans à compter de la réception des travaux pour les désordres affectant la solidité de l’ouvrage. La Cour de cassation a précisé l’application de ces règles aux pergolas dans un arrêt du 15 octobre 2020 (n°19-19.698).
Négociation et règlement amiable
La résolution amiable des litiges présente de nombreux avantages :
- Économie de frais de justice et d’expertise
- Préservation des relations de voisinage ou familiales
- Maîtrise des termes de l’accord et confidentialité
- Rapidité du règlement par rapport à une procédure judiciaire
Le recours à la médiation peut s’avérer particulièrement efficace. Une étude du Ministère de la Justice publiée en 2021 révèle que 70% des médiations aboutissent à un accord dans les litiges relatifs à des dommages matériels, avec un délai moyen de résolution de trois mois contre deux ans pour une procédure contentieuse complète.
Perspectives d’évolution du droit face aux innovations en matière de pergolas
L’évolution technologique des pergolas soulève de nouvelles questions juridiques qui appellent une adaptation du droit et de la jurisprudence.
Les pergolas bioclimatiques, avec leurs systèmes motorisés et connectés, introduisent une dimension technologique qui complexifie l’analyse des responsabilités en cas de dysfonctionnement. La défaillance peut provenir du matériel, du logiciel ou de l’interaction entre les deux. La jurisprudence commence à prendre en compte cette spécificité, comme l’illustre l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 3 décembre 2020, qui a reconnu la responsabilité partagée entre le fabricant du système motorisé et l’installateur après qu’une pergola bioclimatique se soit refermée brutalement sur un utilisateur.
La question de la cybersécurité émerge également pour les pergolas connectées pilotables à distance. Un piratage informatique pourrait théoriquement provoquer des mouvements dangereux de la structure. Cette problématique, encore peu traitée par les tribunaux, interroge sur l’obligation de sécurité numérique qui pourrait incomber aux propriétaires. Le règlement européen sur la cybersécurité des produits connectés, en préparation, devrait clarifier les responsabilités des fabricants, mais la question de la vigilance du propriétaire dans les mises à jour de sécurité reste ouverte.
L’intégration de panneaux photovoltaïques aux pergolas soulève des questions spécifiques liées aux risques électriques et à la qualification juridique de l’installation. S’agit-il d’un simple élément d’équipement ou d’une installation de production d’énergie soumise à une réglementation spécifique? La Cour de cassation n’a pas encore tranché cette question, mais une décision du Tribunal judiciaire de Montpellier du 17 juin 2021 a considéré qu’une pergola photovoltaïque relevait du régime des installations de production d’énergie quant aux obligations déclaratives et aux normes de sécurité applicables.
L’évolution des matériaux utilisés pour les pergolas (composites, nano-matériaux) soulève des interrogations sur les risques sanitaires à long terme et le principe de précaution. Le propriétaire pourrait-il être tenu responsable de dommages sanitaires causés par des matériaux dont la nocivité n’était pas connue au moment de l’installation? Cette question fait écho à la problématique de l’amiante et pourrait conduire à l’émergence d’un devoir de veille du propriétaire sur les évolutions scientifiques concernant les matériaux de sa pergola.
Le développement des pergolas préfabriquées en kit, vendues directement aux particuliers, pose la question du partage des responsabilités entre le fabricant, le vendeur et le monteur amateur. La directive européenne sur la sécurité des produits impose des obligations claires aux fabricants, mais la jurisprudence française tend à maintenir une responsabilité résiduelle du propriétaire monteur, même en cas de défaut de conception. Un arrêt de la Cour d’appel de Caen du 8 avril 2021 a ainsi retenu la responsabilité partielle d’un propriétaire qui n’avait pas respecté toutes les préconisations de montage d’une pergola en kit, malgré l’ambiguïté de la notice.
Vers une normalisation accrue
Face à ces évolutions, une tendance à la normalisation technique se dessine :
- Élaboration de normes NF spécifiques aux pergolas bioclimatiques (projet en cours)
- Renforcement des exigences d’information sur la résistance au vent et aux charges climatiques
- Développement de certifications volontaires valorisables sur le plan commercial et juridique
- Harmonisation européenne des standards de sécurité pour les pergolas connectées
Ces évolutions normatives devraient progressivement clarifier les obligations des propriétaires et faciliter l’appréciation de leur responsabilité par les tribunaux. Un rapport de la Commission de la sécurité des consommateurs publié en janvier 2022 recommande d’ailleurs l’adoption d’un cadre normatif spécifique pour les pergolas, distinct de celui des vérandas et auvents.
Recommandations pratiques pour les propriétaires de pergolas
Au terme de cette analyse approfondie, plusieurs recommandations concrètes s’imposent pour tout propriétaire souhaitant limiter sa responsabilité juridique.
La constitution d’un dossier technique complet représente une précaution fondamentale. Ce dossier doit regrouper l’ensemble des documents relatifs à la pergola : autorisations administratives, plans, notices techniques, factures, garanties, certificats de conformité et preuves d’entretien. En cas de litige, ces documents permettront de démontrer la diligence du propriétaire et faciliteront l’intervention de l’assurance. Une décision du Tribunal judiciaire de Strasbourg du 15 mai 2021 a explicitement valorisé cette démarche en reconnaissant l’absence de faute d’un propriétaire qui avait conservé l’intégralité du dossier technique de sa pergola et pouvait justifier d’un entretien régulier.
La mise en place d’un contrat d’entretien avec un professionnel qualifié constitue une protection juridique efficace. Ce contrat devrait prévoir des vérifications périodiques (idéalement annuelles) de l’état général de la structure, des fixations et des éventuels équipements électriques ou mécaniques. Le rapport d’entretien doit mentionner explicitement les points contrôlés et les éventuelles recommandations. La Cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 9 septembre 2020, a considérablement réduit la responsabilité d’un propriétaire qui pouvait justifier d’un contrat d’entretien régulièrement honoré, malgré l’accident survenu.
L’adaptation de la pergola aux risques climatiques locaux s’avère déterminante dans l’appréciation de la responsabilité. Dans les régions exposées à des vents violents, à des chutes de neige importantes ou à des épisodes cévenols, le propriétaire doit s’assurer que la pergola est dimensionnée pour résister à ces contraintes spécifiques. Les tribunaux tiennent compte du contexte géographique dans leur appréciation, comme l’illustre un jugement du Tribunal judiciaire de Toulon du 22 novembre 2019, qui a retenu la négligence d’un propriétaire ayant installé une pergola légère dans une zone notoirement exposée au mistral.
L’affichage de consignes d’utilisation claires peut contribuer à limiter la responsabilité du propriétaire, particulièrement dans les locations saisonnières ou les espaces recevant régulièrement des visiteurs. Ces consignes devraient préciser les précautions d’usage, les charges maximales supportées, les comportements à adopter en cas d’intempéries et les interdictions spécifiques (comme grimper sur la structure ou y suspendre des objets lourds). La jurisprudence reconnaît l’effet partiellement exonératoire de telles précautions, comme en témoigne une décision du Tribunal judiciaire de La Rochelle du 14 avril 2020, qui a retenu la faute contributive d’une victime ayant ignoré les avertissements affichés par le propriétaire.
La vérification régulière de l’adéquation des garanties d’assurance avec l’évolution de la pergola constitue une précaution essentielle. Toute modification significative (ajout d’équipements, extension, changement de matériaux) doit être signalée à l’assureur pour éviter une remise en cause de la garantie en cas de sinistre. Une attestation d’assurance mentionnant explicitement la couverture de la pergola peut être demandée. Un arrêt de la Cour d’appel de Metz du 7 juillet 2021 a rappelé l’importance de cette démarche en validant le refus de garantie d’un assureur qui n’avait pas été informé de l’installation d’un système de motorisation sur une pergola initialement déclarée comme structure fixe passive.
Recommandations spécifiques selon le type de pergola
Les mesures de précaution doivent être adaptées aux spécificités de chaque installation :
- Pour les pergolas bioclimatiques : vérification régulière des systèmes motorisés, mise à jour des logiciels de commande
- Pour les pergolas en bois : traitement périodique contre les insectes xylophages, contrôle de l’humidité
- Pour les pergolas avec toile rétractable : retrait systématique des toiles en cas d’alerte météorologique
- Pour les pergolas photovoltaïques : contrôle électrique annuel par un professionnel certifié
Ces recommandations ciblées permettent d’adapter la gestion des risques aux particularités techniques de chaque installation. Une étude réalisée par la Fédération Française du Bâtiment en 2022 indique que 85% des sinistres impliquant des pergolas auraient pu être évités par un entretien adapté à leur typologie spécifique.
