À l’ère du numérique, la protection de la vie privée est devenue un enjeu majeur. Le droit à l’oubli sur internet, permettant à une personne de demander la suppression ou le déréférencement d’informations la concernant, s’inscrit dans cette problématique. Toutefois, ce droit présente certaines limites qu’il convient d’examiner.
Le cadre légal du droit à l’oubli
Le droit à l’oubli trouve son fondement dans le Règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018. Il renforce les droits des personnes concernées par des traitements de données personnelles et s’impose aux entreprises et organisations européennes ainsi qu’à celles hors de l’Union européenne traitant des données de citoyens européens.
Dans ce contexte, les personnes disposent d’un droit de suppression ou de rectification d’informations les concernant sur internet. Il peut s’agir d’informations obsolètes, inexactes ou ne présentant plus d’intérêt légitime pour le public. Les responsables de traitement sont tenus d’accéder aux demandes formulées par les personnes concernées, sauf exceptions prévues par le RGPD.
Les limites du droit à l’oubli
Toutefois, ce droit à l’oubli n’est pas absolu et comporte des limites. Ainsi, le droit à l’oubli peut être écarté lorsque :
- Le traitement des données est nécessaire pour l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information;
- Les données sont conservées pour respecter une obligation légale ou pour la constatation, l’exercice ou la défense de droits en justice ;
- Les données sont traitées dans le cadre de missions d’intérêt public, telles que la recherche scientifique, historique ou statistique.
Ainsi, le droit à l’oubli doit être concilié avec d’autres droits fondamentaux, comme la liberté d’expression et le droit à l’information.
L’équilibre entre vie privée et intérêt public
Dans un arrêt du 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé les conditions dans lesquelles ce droit s’exerce. La CJUE impose aux moteurs de recherche de procéder à un examen au cas par cas, afin de déterminer si les informations en question présentent un intérêt légitime pour le public.
Cette appréciation doit prendre en compte plusieurs critères, tels que :
- la nature des informations;
- leur sensibilité pour la vie privée du demandeur;
- le rôle joué par cette personne dans la vie publique;
- l’ancienneté des informations.
Ainsi, l’équilibre entre vie privée et intérêt public doit être recherché afin de garantir le respect des droits fondamentaux de chacun.
Le déréférencement géographique
Une autre question concerne l’étendue territoriale du droit à l’oubli. En effet, la CJUE a été saisie de cette question et a rendu un arrêt le 24 septembre 2019. Selon la Cour, le déréférencement doit être opéré sur les versions des moteurs de recherche correspondant aux États membres de l’Union européenne.
Toutefois, ces moteurs de recherche doivent également mettre en place des mesures effectives pour empêcher ou dissuader les internautes situés dans l’Union européenne d’accéder aux liens supprimés via les versions non européennes du moteur. Ainsi, la portée territoriale du droit à l’oubli est limitée au territoire européen.
Perspectives et enjeux futurs
Le droit à l’oubli soulève plusieurs défis pour les années à venir. Parmi ceux-ci, on peut citer :
- l’harmonisation des législations nationales en matière de protection des données personnelles;
- la coopération entre les autorités nationales compétentes;
- la prise en compte des nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle et la blockchain.
Ainsi, le droit à l’oubli constitue un enjeu majeur pour la protection de la vie privée à l’ère du numérique. Si ce droit est encadré par le RGPD, il n’en demeure pas moins qu’il doit être concilié avec d’autres droits fondamentaux et s’adapter aux évolutions technologiques.